Risographe, mon amour
La communauté RISO regroupe des milliers d’aficionados du risographe (ou duplicopieur), une solution d’impression inventée en 1984 par RISO KAGAKU CORPORATION.
Des créatifs de tout poil – artistes, imprimeurs, illustrateurs… – se sont approprié cette technologie sans pareille qui sert de vecteur à l’expression de leur talent.
Nous sommes allés à la rencontre de ces « risographistes » passionnés qui nous ont (virtuellement, pandémie oblige) ouvert la porte de leurs ateliers.
Pour découvrir leurs univers, suivez le guide !
Oscar Ginter, Quintal Editions, Paris
Comment avez-vous découvert la risographie ?
La première fois que j’ai vu un « riso », c’était à Rotterdam, dans une école d’art où j’étais étudiant Erasmus. Je n’ai pas pu l’utiliser à ce moment-là. Deux ans et demi plus tard, j’ai commencé à éditer des artistes en sérigraphie avec mon frère. En quelques tirages, on s’est rendus compte que ça nous coûterait beaucoup trop cher. Il nous fallait un risographe. Nous sommes allés en acheter un d’occase en Belgique.
Vous saviez vous servir de la machine ?
Non, je n’y connaissais rien du tout. Je n’ai suivi aucune formation, j’ai eu plein de galères et de désillusions au début. Un de mes anciens profs – Etienne Robial, qui a notamment réalisé l’identité graphique du PSG – utilise le risographe depuis longtemps, notamment pour imprimer les feuilles de matchs au Parc des Princes. Son associé au sein de 476 éditions, Maxime Barbier, m’a fait une brève démo, mais c’est tout.
Comment avez-vous commencé ?
Dans le garage de ma mère, avec un riso et six couleurs. Pour ma première exposition de Quintal Editions, fin novembre 2017, j’ai invité 70 artistes. Le deal c’était que j’imprimais gratuitement mais je gardais la moitié de la production. L’expo a super bien marché : j’ai pu rembourser la machine et acheter neuf tambours de couleurs.Aujourd’hui, j’ai deux A3, une A2 et 28 couleurs !
Comment utilisez-vous vos duplicopieurs ?
Notre direction éditoriale n’est pas restreinte, ça va de la BD aux trucs abstraits et conceptuels en passant par l’illustration, le graphisme, tout le panel des arts graphiques.
Nous sommes en train de monter une maison d’édition photo riso, qui est probablement à l’heure actuelle l’art le moins représenté en risographie.
Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans la risographie ?
Comme on peut imprimer vite et pour pas cher, la riso permet plus de folie, plus d’expérimentations notamment au niveau du profilage colorimétrique. Avec la riso, je peux imprimer en huit couleurs en une journée pour quelques euros. Si je faisais ça en sérigraphie, il me faudrait un mois. En offset, ça prendrait deux jours, mais ça me coûterait 1000 euros ! Et puis c’est super fiable : une de mes machines a 15 ans et 3 millions de copies au compteur : une vraie 2 CV.
On peut tout imprimer en risographie ?
Non, ce n’est foncièrement pas adapté à tous les projets et on le dit d’emblée aux clients. En risographie, on doit jongler avec de multiples contraintes : format, couleurs, nombre d’exemplaires… Et puis, il y a les imprévus dans le rendu et les imperfections. Mais c’est ce qui fait le charme et la force de cette technique. Il faut donc une vraie réflexion, une recherche sur la façon la plus adaptée d’imprimer un projet en risographie. Il faut réfléchir à la façon de récupérer les couches de couleur pour obtenir une réinterprétation chromatique parfaite. Le plus gros livre qu’on ait jamais fait c’était le catalogue de l’exposition « Le centre ne peut tenir » pour Lafayette Anticipation, imprimé en partenariat avec RISO FRANCE : 360 pages en 750 exemplaires. Ce projet a mobilisé deux imprimeurs pendant 4 mois, c’était probablement la plus grosse production de risographie au monde.
L’aspect « do it yourself » est également très important…
C’est ce qui fait sans doute que la riso est à la mode en ce moment, notamment via Instagram : des impressions faites à la main, par de petits artisans… Le principe de faire les choses soi-même petit à petit est très collé à la risographie. Aujourd’hui, je répare mes machines moi-même et j’aime bien ce côté mécano. J’ai appris à le faire seul. Dans le même ordre d’idée, je ne suis pas relieur – et je ne compte pas le devenir – mais je viens d’acheter une machine à coudre pour pouvoir le faire de mon côté. Mais le côté communautaire et humain est aussi super important. D’abord, on organise des workshops pour partager notre passion. Et puis, la technologie existe beaucoup grâce aux salons (Angoulême, Spin-off d’Angoulême, Offprint à Paris, book fair de Taïwan, de New York…) où on croise et recroise les mêmes artistes et imprimeurs. Finalement, la micro-édition et la risographie, c’est un peu comme une grande famille.