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Dossier de fond

En couleurs, on apprend et on comprend mieux

L'impression couleur avec RISO

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2 mars 2021

Pourquoi les camions de pompiers sont-ils rouges⁠1? La réponse à cette question vous semble peut-être parfaitement évidente : c’est parce que le rouge est LA couleur associée au danger ! Et puis, c’est une couleur que l’on voit très bien, ce qui est essentiel parce qu’un tel véhicule d’urgence doit se faire remarquer.

Pourtant, le rouge est loin d’être la couleur la plus visible, particulièrement de nuit. Il vaudrait bien mieux que les camions de pompiers soient d’un jaune tirant sur le vert, car cette couleur est celle que l’on perçoit le mieux et le plus vite, même du coin de l’œil et même dans l’obscurité⁠2. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les bus scolaires américains sont jaunes⁠3.

Grâce à la couleur, nous sommes donc capables de reconnaître en un clin d’œil un véhicule auquel nous devons faire particulièrement attention. Mais la couleur a bien d’autres vertus : elle est notamment capable de stimuler notre mémoire et de booster notre compréhension.

La couleur et l’apprentissage

Plusieurs études ont démontré que l’utilisation judicieuse de la couleur pouvait favoriser la compréhension et la mémorisation. Des chercheurs australiens ont par exemple prouvé que la couleur de la salle d’examen a une influence sur la performance d’étudiants à des tests de lecture : plus la couleur est vive et meilleur est le résultat.4

Passant en revue les différentes études liées à l’influence de la couleur sur la mémoire, des chercheurs malaisiens ont conclu⁠5 que « la couleur a le potentiel d’augmenter les chances que des stimuli environnementaux soient encodés, stockés et rappelés avec succès ». En clair, la couleur peut nous aider dans tout le processus de mémorisation, depuis l’encodage (c’est-à-dire l’acquisition d’une nouvelle information via nos cinq sens) jusqu’au rappel (extraction de l’information de notre mémoire) en passant par le stockage (maintien dans le temps de l’info apprise).

Ce « pouvoir de la couleur », les champions de la mémorisation le connaissent bien. Capables d’apprendre par cœur des milliers de décimales de π, des pages aléatoires du bottin téléphonique et bien d’autres choses encore, ces athlètes de la mémoire s’appuient sur des techniques où la couleur joue un rôle clé.

« l’idée centrale de la plupart des techniques de mémorisation, c’est de transformer la chose ennuyeuse qu’on essaie d’apprendre en quelque chose de tellement coloré, tellement excitant, de tellement différent de ce qu’on a l’habitude de voir, qu’il devient impossible de l’oublier6 ».

Joshua Foer

La couleur, en nous offrant une prise supplémentaire à laquelle nous accrocher, nous aide à inscrire l’information dans notre mémoire. Ce « stimulus coloré » est une ancre de plus pour nos souvenirs. Nous nous souvenons mieux d’images en couleurs qu’en noir et blanc, c’est prouvé : notre mémoire est 5 à 10 % plus performante pour reconnaître des photos de nature en couleurs7.

De plus, les couleurs ont de tout temps été utilisées pour classer « les êtres et les choses, les animaux et les végétaux, les individus et les groupes, les lieux et les moments, les idées et les rêves », écrit l’historien de la couleur Michel Pastoureau8Aujourd’hui encore, nous classons par couleurs : les degrés d’alerte, les ceintures de sport de combat, l’urgence d’un dossier… Or classer, c’est organiser : il est bien plus facile de comprendre et retenir des informations hiérarchisées qu’une masse de données aléatoires.

Pour attirer l’attention sur un point particulier, le rouge9 est la couleur reine. Les Égyptiens antiques10 en faisaient déjà usage dans leurs papyrus pour mettre des éléments en valeur. Les moines copistes au Moyen-Âge faisaient la même chose. Et de nos jours, les professeurs n’utilisent-ils pas de l’encre rouge pour corriger les copies d’élèves ?

Et si on corrigeait les copies en bleu ?

Il est d’usage d’annoter en rouge les copies d’élèves. Mais est-ce une si bonne idée ?

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Et si on utilisait la couleur pour dynamiser notre expérience de lecture ? C’est exactement ce que propose l’entreprise BeeLine, qui a développé une technologie facilitant la lecture sur le web en transformant le texte en noir et blanc par un gradient de couleur.

 

Voici, par exemple, un extrait du site RISO FRANCE passé à la moulinette de BeeLine.

Est-ce que la version colorée est plus facile à lire pour vous ? Avez-vous eu l’impression que votre lecture a été plus fluide et rapide ? Si l’on en croit BeeLine, leur gradient de couleur est censé simplifier la lecture pour 9 personnes sur 10, et augmenter la vitesse de lecture de 20 à 30 % !

Si la couleur présente bien des avantages pour accompagner le processus d’apprentissage et de mémorisation, ce n’est pas une panacée : il faut manier la couleur avec adresse pour un impact maximal.

La couleur oui, mais pas n’importe comment

Imaginez un instant un monde dépourvu de couleurs, un monde fait uniquement de nuances de gris. Triste, ennuyeux, sans saveur, n’est-ce pas ?

Ce n’est pas le journaliste James Hamblin qui dira le contraire, lui qui a décidé de mettre son téléphone en noir et blanc pour avoir moins envie de le consulter en permanence11. Sans l’ombre d’un doute, un smartphone en noir et blanc est moins attrayant : utiliser n’importe quelle application devient moins sexy et beaucoup plus rébarbatif. Qui voudrait d’un Instagram, Google Maps ou Netflix sans couleur ?

 

La couleur nous interpelle, nous captive, nous électrise. Autour de nous, elle est partout en permanence : dans la nature, à la maison, sur la route, dans nos magazines et sur nos écrans… Pour évoluer dans cet univers coloré, nous pouvons compter sur nos yeux, des instruments hyper sophistiqués capables de distinguer des millions de couleurs différentes. Nos yeux sont en revanche bien moins performants en ce qui concerne les nuances de gris: nous ne pouvons en différencier que 30 !

 

Comment perçoit-on la couleur ?

L’être humain est particulièrement bien équipé pour percevoir les couleurs, puisque les experts estiment que nous sommes capables de distinguer près de 10 millions de teintes différentes !

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L’humain est donc un animal taillé pour reconnaître et apprécier les couleurs. Cela ne signifie pas pour autant qu’un document imprimé en couleurs sera forcément plus agréable à l’œil ou plus lisible. Pour être efficace, il faudra utiliser les couleurs de la bonne façon. Dans leur livre Number by Colors,12 Brand Fortner et Theodore E. Meyer donnent quelques règles à suivre pour tirer le meilleur parti de la couleur.

 

La couleur doit être utilisée avec parcimonie

Les fonctions cérébrales supérieures (le raisonnement, la mémoire, l’attention…) fonctionnent essentiellement en nuances de gris. Si on vous présente une photo de Marilyn Monroe en couleurs et la même photo en noir et blanc, vous reconnaîtrez tout aussi vite la célèbre actrice.

Utiliser des touches de couleurs permet d’attirer l’attention sur tel ou tel élément. C’est cet artifice qu’utilise Steven Spielberg dans La liste de Schindler. Dans ce film en noir et blanc, un seul personnage apparaît en couleurs, une petite fille en robe rouge. Symbolisant la prise de conscience de Schindler, cette petite fille saute immédiatement aux yeux des spectateurs.

Si les couleurs vives attirent l’œil, attention à ne pas en abuser. « Un panneau d’alerte et on est à l’affût du danger, 20 panneaux d’alerte et on ne sait plus où donner de la tête », écrivent Meyer et Fortner.

 

La couleur doit être utilisée à bon escient

Représentez-vous en esprit une carte géographique de France. De quelle couleur sont les forêts ? Les fleuves ? Les montagnes ? Vert, bleu et marron évidemment ! Ce sont leurs couleurs naturelles et donc celles que vous vous attendez à voir. Ces couleurs sont « logiques » : en les utilisant, la carte est plus facile à comprendre, et il est plus facile de s’en souvenir. À l’inverse, s’appuyer sur des couleurs trop étranges – une mer jaune fluo, une forêt rose… – risquent d’embrouiller le lecteur.

De la même façon, il est important d’être constant. Si le bleu désigne les cours d’eau, il ne faut pas qu’il soit également utilisé pour désigner les routes ou les montagnes. Sinon, gare aux confusions !

Meyer et Fortner proposent une foule d’autres conseils. En vrac : faire en sorte que les couleurs soient bien distinctes les unes des autres, qu’elles se combinent de manière harmonieuse, qu’elles soient pensées pour être clairement visibles par tous, y compris ceux qui souffrent de daltonisme…

 

Certaines personnes perçoivent mal les couleurs : ce sont les daltoniens. Le daltonisme est le plus souvent dû à une déficience d’un ou plusieurs types de cônes dans la rétine (les anomalies les plus courantes touchent le rouge et le vert). On estime qu’en France 8 % des hommes et 0,45 % des femmes sont daltoniens⁠1.

S’il est impossible de soigner le daltonisme, il existe des lunettes munies de filtres spéciaux permettant aux daltoniens de percevoir les couleurs. Dans la vidéo ci-dessous, un jeune homme chausse de telles lunettes et voit le monde en couleur pour la première fois. Séquence émotion !

Un enjeu clé pour la communication des données scientifiques

Il peut être difficile, pour qui n’a pas la fibre scientifique, de naviguer dans la masse de données produite aujourd’hui. Pourtant, pour que les citoyens puissent faire des décisions éclairées sur des sujets clés – climat, évolution de la pandémie, vaccination… – il est crucial qu’ils comprennent les données scientifiques qu’on leur présente.

Pour vulgariser l’information scientifique et clarifier les conclusions des chercheurs, l’« exploitation graphique des données » – ce qu’on appelle également la data visualisation ou dataviz – est essentielle.

Lyn Bartram, directrice du Vancouver Institute for Visual Analytics, estime que « la data visualisation est un langage. Fondamentalement, vous essayez de raconter une histoire, et pour ce faire la couleur joue un rôle très important13. » Bartram ajoute que, puisque la data visualisation est maintenant utilisée partout, ce n’est plus seulement pour les scientifiques un outil ou un moyen d’arriver à une fin, « la dataviz est entrée dans nos conversations et influe sur nos prises de décision en société ».

Ed Hawkins, un des auteurs du 6e rapport environnemental du GIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – abonde dans le même sens. « Nous devons être en mesure de toucher un public très large, pas uniquement pour informer mais également pour guider les décisions politiques et aider les gens à répondre aux dangers qui menacent leur mode de vie14 ». C’est pourquoi le GIEC fait appel à plusieurs designers graphiques pour « transformer des visualisations complexes en infographies simplifiées », faire en sorte qu’ils soient facilement compréhensibles et lisibles, que les couleurs soient cohérentes et utilisées à bon escient, adaptées à la lecture par des daltoniens…

Ce graphique permet de saisir en un clin d’œil les changements de température à l’échelle mondiale entre 1850 et 2019. Les barres représentent l’écart entre la température mesurée au cours de l’année en question et la moyenne de toute la période. Plus l’année a été froide, plus la bande est bleu foncé. Plus elle a été chaude, plus est rouge vif. « Pas besoin de chiffres, les couleurs suffisent à passer le message⁠2 », estime le Professeur Hawkins, à l’origine de cette représentation visuelle. « Je voulais présenter les changements de température de manière simple et intuitive, en enlevant toutes les distractions des graphiques habituels, pour que les tendances de long terme et les variations de température soient claires comme du cristal⁠3 ».

 

Une des échelles de couleurs les plus utilisées en science est la « rainbow color scale », qui tire profit de tout le spectre des couleurs de l’arc-en-ciel. Si elle est très jolie, cette représentation graphique pose problème : couleurs difficiles à hiérarchiser (dans quel ordre faut-il placer le rouge, le bleu, le vert, le jaune ?), code couleur difficile à comprendre et illisible par les daltoniens, risque de « blind spots15 »… « Les gens aiment utiliser la rainbow parce que ça attire l’œil, mais une fois qu’on regarde vraiment, qu’on essaie de comprendre ce qui se passe dans l’image, tout s’écroule », estime Jamie Nuñez, auteur d’une étude16 sur une échelle de couleurs pensée pour pallier les défauts de la rainbow scale.

 

Certes, le rendu visuel de la rainbow scale est très agréable, mais ce débordement de couleurs, au lieu de faciliter l’exploitation des données, noie parfois le poisson. Des chercheurs de l’Université Harvard17 ont par exemple montré que remplacer les modélisations en 3D d’artères dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel par des représentations 2D utilisant une échelle allant du rouge au noir facilitait grandement la lecture et l’interprétation des images par les médecins. Leur taux de diagnostic correct de maladies cardiaques avait alors bondi de 39 à 91 %.

Cela paraît fou mais c’est pourtant vrai : le bon choix de couleurs peut, parfois, sauver des vies.

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